
Veuillez recevoir mon fraternel salut. Je m'adresse à vous afin de solliciter votre intervention pour enquêter sur l'assassinat de Marcelo Ariel, fils du poète Juan Gelman, et de sa belle-fille María Claudia García Irureta Goyena de Gelman, enceinte de 7 mois. Tous deux ont été enlevés et emmenés au camp clandestin de détention Automotores Orletti, en Argentine. Vous disposez de toute l'information sur les faits que je vous détaille; ils vous ont été envoyés par M. Juan Gelman, en particulier au sujet du transfert en Uruguay de María Claudia García et de son accouchement à l'Hôpital Militaire de Montevideo. L'enquête réalisée par Juan Gelman et son épouse, a permis de savoir que María Claudia a été pour la dernière fois quand on l'emmenait, avec son bébé, du local du SID (Service d'Information de la Défense), situé au coin du Boulevard Artigas et de la rue Palmar, à Montevideo, en décembre 1976, vers une destination inconnue, accompagnée par des membres de l'armée uruguayenne. Celui qui était alors le colonel Juan Antonio Buratti, chef du Département III du SID qui fonctionnait dans ce local, et l'ex capitaine José Arab qui avait passé de longs mois au centre clandestin Automotores Orletti. Dans le rapport que vous a envoyé Gelman, il donne en détail les noms de plus de 20 membres de l'armée uruguayenne liés au Plan Condor, le territoire international, dont a été victime María Claudia. Monsieur le Président, vous savez qu'il est impossible de construire un processus démocratique sur l'impunité. Les blessures sont toujours ouvertes et il est nécessaire de faire tous les efforts nécessaires pour la Vérité aide à les refermer, même si la douleur de la perte des êtres chéris restera. La recherche incessante de Gelman et de son épouse, pour savoir où se trouve son petit-fils ou petite-fille né en captivité est un exemple de résistance et de valeurs éthiques et fondamentales de l'Amour. Il est nécessaire, monsieur le Président, que vous vous saisissiez de tous les moyens possibles pour savoir ou il se trouve et qu'il puisse retrouver son identité.
Malgré le temps qui s'est écoulé, le délit se poursuit, et c'est pour cette raison que je vous demande de mettre en uvre tous les moyens pour mettre à jour ces crimes horribles et parvenir à travers la Vérité et la Justice à la récupération de l'être chéri.
La douleur, l'angoisse que vivent les familles des victimes est décuplée par l'impunité et l'absence de réponses qui, jusqu'au au jour d'aujourd'hui, leur viennent des divers rouages de l'Etat. Je sais votre sensibilité et votre préoccupation sociale et nous nous connaissons depuis de nombreuses années et c'est pour cette raison que je vous demande de mettre tout vos efforts dans la mise à jour des crimes commis et fondamentalement de récupérer l'¨être chéri, le petit-fils ou la petite-fille du poète Juan Gelman, pour le bien de tous et pour que, Plus Jamais ne soient Commis de Nouveau ces crimes de lèse-humanité.
Je vous réitère mes saluts fraternels de Paix et de Bien.
Buenos Aires, le 21 octobre 1999
Adolfo Pérez Esquivel
Prix Nobel de la Paix