Allo... Rodolfo ? C'est moi, Sanopi... Leo m'a appelé pour... oui, oui... écris... Ricardo Pisano... non, je n'ai pas d'oncle caviste, et c'est bien dommage. Mon â ? 42... Je suis né en 1963, le 6 mars... comme Michel Ange... Non mais j'ai étudié la peinture avec Dumas Oroño y je suis allé jusqu'en cinquième année d'Architecture, avec les examens réussis d'ailleurs... mais j'ai le vertige pour peindre des voûtes et les sujets religieux ne sont pas mon fort. Non, ne mets rien au sujet de mon travail en publicité... design graphique, dessins animés... qu'est-ce que j'en sais, moi, ça n'a pas grand chose à voir avec ça... Oui, de tout... j'ai même écrit des paroles de murgas pour « La Matinée », je te jure... comme humoriste graphique ? depuis 1983 et à Brecha depuis 1987, je crois... Pardon, Leo t'a envoyé son curriculum ? Non... Je voulais voir ce qu'il y a mis pour ne pas passer pour un débile avec le mien... Hein ?... Non, je vis à Solymar mais je suis né à Montevideo... Tu ne vas pas le croire... Tu sais où ?... À L'HÔPITAL MILITAIRE... « aux forceps » raconte ma mère à tout bout de champ. Et j'ai dû me faire un exorcisme !... Je n'arrivais pas à l'assumer, mon vieux... en pleine dictature, et moi qui venais de là... À l'époque de la militance, j'étais mal vu...
Allez, Rodolfo, qu'est-ce qu'il a mis, Leo ?... Ne sois pas chien ! tu sais bien que je n'aime pas parler de moi....
SANOPI, au téléphone
Et moi qui croyais que le curriculum, c'était pour dire par exemple « la nuit est étoilée, je suis né le 26 juillet 1954 à Montevideo, j'ai étudié le piano avec Bertha Chadicov et Wilser Rossi, l'orgue avec Manuel Salsamendi, la composition avec Coriún Aharonián et Graciela Paraskevaídis, et les astres, bleutés, tremblent au loin. » Mais après avoir lu la note de Sanopi, je me rends compte que ce n'était pas ça ; qu'il faut ajouter par exemple des détails de l'hôpital. Mon premier livre est sorti en 1983 ; c'était un recueil de poèmes et de paroles de chansons, et s'appelait Hôpital Spécial. Avec ça je m'en tire bien, n'est-ce pas ? Ensuite, sont venus une trentaine d'autres livres, et ils sont repartis.
En Argentine, ils ont pas mal circulé, sans amendes ni infractions. Je pourrais souligner que... non, je ne vais pas le faire, la modestie de Sanopi devrait me servir d'exemple. Je devrais, peut-être, au lieu de parler de moi, parler plutôt de lui. Mais je ne le connais pas beaucoup. Notre mutuelle collaboration dans l'hebdomadaire Brecha se faisait par personnes interposées qui, quand elles ne l'ont pas été, sont parties en même temps que moi, parce que ceux qui dirigent cet hebdomadaire sont... Non, ce n'est pas le lieu pour parler de ça; mieux vaut que je souligne ce qui a été bon, la camaraderie de tant de gens, la conjonction avec Pieri au début, et ensuite la surprise hebdomadaire en découvrant ce que Sanopi avait perpétré à partir de mes mots et qui se trouve dans ce livre, peut-être pas vraiment immortalisé, mais au moins prévenu contre la grippe qui a fait tant de ravages cet hiver, quelle folie.
LEO depuis Isla Negra
(© 2005, Perro Andaluz Ediciones - Montevideo)