Soleil : | On parle de moi ? |
Huascar et Yamandú se jettent à terre, font trois ou quatre pompes (Pas plus, les acteurs ne sont pas dans larmée) et sécroulent face contre le sol. |
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Soleil : | Vous avez perdu quelque chose ? |
Huascar et Yamandú se relèvent, sépoussettent un peu, et regardent en direction du Soleil en utilisant leur main (droite ou gauche) comme une visière. |
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Huascar : | Non, non, nous navons rien perdu, ô Soleil, Créateur de toutes choses. Quest-ce qui peut bien te faire croire une chose pareille ? |
Soleil : | Je ne sais pas, vous aviez lair de vous trémousser de bien curieuse façon, à même le sol. |
Yamandú : | Ne nous en tiens pas rigueur, ô Soleil. Nous étions en train de tester une nouvelle pratique rituelle, afin de mieux te rendre hommage. |
Soleil : | Ouais, ouais, mon pote. Et bien, écoute : si jai besoin de nouveaux types dhommages, je vous le ferai savoir. Pour le moment, vous voudrez bien vous en tenir aux prières habituelles et aux sacrifices. Un truc qui serait dailleurs pas mal, ce serait de les rendre un peu plus fréquents : jaime bien le spectacle. |
Huascar : | Justement, je venais de donner des ordres à ce sujet. |
Yamandú : | Attention, je ne suis pas un simple sujet, je suis tout de même le grand prêtre. Tes fonctions indiquent clairement que tu dois me consulter lorsque de grands problèmes surgissent, et pas seulement me donner des ordres. |
Huascar : | Mais enfin, je ne faisais que parler du sujet de conversation, pas de lun de mes sujets, membre de mon peuple. |
Yamandú : | Pardonne-moi, je ne tavais pas compris. |
Soleil : | Et bien dites donc, on nest pas sorti de lauberge avec des guignols comme vous. |
Huascar : | On nest pas sortis de quoi ? |
Yamandú : | Avec des quoi comme nous ? |
Soleil : | Rien, rien, ce ne sont que des expressions, qui viennent de votre futur, ou plutôt du futur des étrangers, parce que le vôtre, je le vois plutôt mal barré. |
Huascar : | Tes propos sont bien inquiétants, ô Soleil. |
Soleil : | Ah, la la ! Mon pauvre vieux. Cest fou ce que les choses peuvent évoluer quand on ny prête pas attention. On cause, on cause, on sprélasse, on admire les sacrifices, et boum, de lautre côté, ils avancent de mille ans. Pas dans tous les domaines, remarquez. Ils croient toujours que je tourne autour de la Terre, même si certains dentre eux commencent à avoir des doutes. Et puis, leurs sacrifices à eux, ils sont tout riquiqui. Un seul bonhomme par bûcher. Et même pas en mon honneur. Par contre, en ce qui concerne la guerre, alors là, ça cartonne. Ils savent se battre, les types. Vraiment je vous vois très mal barrés. |
(Instants de silence) |
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Soleil : | Eh, oh ! On sréveille, là dedans. Jallais dire « Debout les morts », mais vous êtes encore vivants. En sursis, comme qui dirait. Mais je plaisante. Vous navez pas encore perdu. Après tout, ce ne sont que des humains. |
Yamandú : | Formidable. Voilà au moins un point déclairci. Mais est-il vrai quils ont des carapaces comme le tatou ? |
Soleil : | Cest une sorte de vêtement en métal. Ils appellent ça une armure. Tous nen ont pas mais leurs guerriers se protègent avec. Cest assez lourd et inesthétique. |
Huascar : | Mais ça doit les gêner pour se battre. Nous ne ferons deux quune bouchée. |
Soleil : | Oh là, mec ! Détrompe-toi. Nibe ! Peau de balle, ou de métal plutôt. Vos flèches auront beaucoup de mal à les transpercer. Et eux ont des balles, justement, parlons-en. Vous croyez quil y a de lorage et bing, la moitié de vos gens se retrouvent pas terre. Ça va être très dur, là, les mecs. |
Huascar : | Mais que pouvons nous donc faire ? |
Yamandú : | Il faut composer |
Huascar : | Tu crois vraiment quune chanson les arrêtera ? |
Yamandú : | Non, composer avec eux. Les recevoir. Les amadouer, leur offrir de la verroterie. Leur enseigner les joies de vivre dans nos contrées. Fraterniser. Nous sommes tous des frères. Ce sont des hommes, comme nous. |
Huascar : | (Commence à sexciter). Ils nous ressemblent. Ils nous aimeront comme nous les aimons. A quoi bon se battre ? A quoi bon guerroyer ? Nous avons tout ce dont nous avons besoin. Que pouvons-nous désirer de plus ? |
Soleil : | La roue. Le cheval. Le moteur à explosion. Le téléphone. Internet... Mais vous avez bien des choses quils nont pas : la tomate et le maïs, la pomme de terre et la chasse au jaguar, jen passe et bien dautres, la vie dans la nature, au rythme de moi-même et de ma Sur la Lune. Ah la la ! Il me prend parfois lenvie dêtre à votre place, mener une vie insouciante et exempte de problèmes. Imaginez un peu ceux den face, des pizzas sans tomates, des hachis sans Parmentier... Leur vie nest déjà pas terrible. Vous avez des choses à leur proposer. |
Huascar : | (très énervé) Des tomates, des tomates ! Voilà ce que nous leur réservons. |
Yamandú : | Des tomates bien rouges, bien mûres, pour mettre sur les... Sur les... |
Soleil : | Sur les pizzas... |
Huascar : | (qui explose) Sur les pizzas. Des montagnes de tomates ! |
Yamandú : | (soudain très calme) Et sils les refusent ? |
Huascar : | Ce sera la guerre. Nous prendrons leur royaume pour une tomate !!! |
Yamandú : | Du calme, ô Huascar. Cette histoire de tomates commence à minquiéter. On nous regarde. |
Huascar : | (soudain refroidi) Ne tinquiète pas. Nous ne sommes pas au théâtre. |
Yamandú : | Bien. Nous les recevrons donc bien. |
Huascar : | Cest ce que nous avons de mieux à faire. |
Yamandú : | Cest ce que nous avons de moins pire. |
Huascar : | Question de sémantique. |
Soleil : | Cest man quoi ??? |
Le soleil séteint peu à peu ; Huascar retourne sasseoir sur son trône, Yamandú chasse les moustiques en séventant. Extinction complète. Fin de la scène. |