Messieurs de Mars & de Janvier,
Vous vous moquiez de Février.
Prè de trois fois six cents années
Entre vous je fus comprimé;
Mais, enfin, des âmes bien nées
Viennent secourir l'opprimé
Quand je n'avois que vingt-huit jours,
Sur trente-un vous comptiez toujours
Avril, en me prêtant sa lune,
Secondoit votre lâcheté;
Maintenant, je ferai fortune,
A l'ombre de la Liberté
Tous les quatre ans, un jour de plus
Dans les miens se trouvoit inclus.
Par cet arrangement bizarre,
Quelquefois je comptois vingt-neuf:
Mais, aujourd'hui tout se répare;
La France ouvre un siècle tout neuf.
Le temps reprenant son vrai cours,
Chaque mois aura trente jours.
Dans le calendrier de Rome
Je fus déshérité pour vous:
Mais, grâce aux lumières de Romme,
L'égalité règne entre nous.
Dans le nouveau Calendrier
Je perds le nom de Février.
Ce nom ne disoit pas grand chose;
Les vôtres ne valoient pas mieux:
Mais, sous le titre de Ventôse,
J'épure la terre & les cieux.
Au changement que Fabre a fait,
Nous gagnerons tous en effet,
Car cet élève de Molière
Grave nos noms en lettres d'or,
Depuis le gai Vendémiaire
Jusqu'au superbe Fructidor.
Rien de plus doux que Germinal,
Rien de plus gai que Floréal:
Tous ont, à la métamorphose,
Gagné des noms bien composés
Nivôse même & Pluviôse
Sont heureusement baptisés
Primidi mène à Duodi
Tridi, Quartidi, Quintidi,
Sextidi vient, Septidi passe,
Puis Octidi, puis Nonidi
Et puis gaîment on se délasse
Dans le repos du Décadi.
Trois fois cent, plus trois fois dix jours,
Du travail auront le secours ;
Ce fut la volonté d'un sage :
Mais des Pontifes charlatans
Mettoient tous les jours en chomage,
Et commandoient l'abus du temps.
Nous remplaçons les vieux Élus
Par les talens & les vertus :
Voilà nos Dieux, voilà nos guides ;
Et laissant-là le Rit romain,
Les cinq jours des sans-culotides
Sont fêtés du Républicain.
Au bout de trois ans, reviendra
L'an, que sextile on nommera.
La Grèce eut ses Olympiades ;
Avec pompe on les célébra :
Mais nous aurons nos Franciades
Que l'Univers adoptera.