ARRÊTÉ DU DIRECTOIRE EXÉCUTIF

QUI PRESCRIT DES MESURES POUR LA STRICTE EXÉCUTION DU CALENDRIER RÉPUBLICAIN

14 GERMINAL, AN VI

Le directoire exécutif, vu, 1º la loi du 16 vend. an 2 ; 2º la loi du 4 frim. an 2 ; 3º la loi en forme d'instruction, du même jour §6 ; 4º l'art. 372 de l'acte constitutionnel ; Considérant que le calendrier républicain, le seul que reconnaissent la constitution et la loi, est une des institutions les plus propres à faire oublier jusqu'aux dernières traces du régime royal, nobiliaire et sacerdotal, et qu'on ne saurait, par conséquent, trop s'occuper des moyens de faire casser les résistances qu'il éprouve encore de la part des ennemis de la liberté, et de tous les hommes liés par la force de l'habitude aux anciens préjugés ; Considérant que, pour parvenir à ce but, il n'est besoin que de faire exécuter les lois ci-dessus rappelées. Arrête ce qui suit :

Art 1. Les administrations municipales, tant des cantons ruraux que des communes de cinq mille habitants et au dessus, sont tenus de régler leurs séances sur la décade. Elles peuvent les tenir les décadis. Les commissaires du directoire exécutif sont tenus de dénoncer celles qui règleraient leurs séances sur les dimanches et fêtes de l'ancien calendrier.

2. Les commissaires du directoire exécutif près les administrations municipales et les tribunaux de police, requerront les juges de paix de régler pareillement sur la décade les audiences qu'ils tiendront, soit comme présidents de ces derniers tribunaux, soit comme juges de paix proprement dits, soit en bureau de conciliation. Ils dénonceront au ministre de la justice ceux qui prendraient encore les dimanches et fêtes de l'ancien calendrier pour régulateurs de leurs jours d'audience.

3. Les administrations municipales fixeront à des jours déterminés de chaque décade les marchés de leurs arrondissements respectifs, sans qu'en aucun cas l'ordre qu'elles auront établi puisse être interverti sous prétexte que les marchés tomberaient à des jours ci-devant fériés. Elles s'attacheront spécialement à rompre tout rapport des marchés au poisson avec les jours d'abstinence désignés par l'ancien calendrier.

4. Les arrêtés qu'elles prendront en conséquence de l'article précédent seront proclamés à son de trompe ou de caisse ; et tout individu qui étalera ses denrées ou marchandises dans les marchés hors des jours fixés par ces arrêtés sera poursuivi dans le tribunal de police comme ayant embarrassé la voie publique, pour être puni conformément à l'art. 605 c. des délits et des peines.

5. Les administrations centrales règleront sur le calendrier républicain les époques des foires de leurs arrondissements respectifs ; elles se rapprocheront pour cet effet, le plus qu'il sera possible, des époques anciennes, sans néanmoins pouvoir les conserver identiquement, et veilleront surtout à ce qu'elles ne répondent pas aux fêtes de l'ancien calendrier.

6. Les administrations municipales détermineront pareillement, d'après le calendrier républicain, les jours de bourse, rendez-vous de commerce et autre réunions semblables ; et elles empêcheront, par tous les moyens qui sont en leur pouvoir, que ces assemblées n'aient lieu à d'autres jours.

7. À l'usage conservé jusqu'à présent de n'ouvrir les écluses que tant de fois par semaine, et à des jours de l'ancien calendrier, tels que les lundis, les mercredis, les samedis et autres, suivant l'usage des lieux, chaque administration centrale substituera sans délai un arrêté par lequel elle règlera périodiquement sur la décade l'ouverture des écluses existant dans les fleuves rivières ou canaux de son arrondissement, en se concertant préalablement, pour cet effet, avec les administrations centrales, tant du département supérieur que du département inférieur situés sur le cours de ces fleuves, rivières ou canaux. Tout éclusier, marinier ou autre qui contreviendra aux dispositions de l'arrêté pris dans chaque département en conséquence du présent article, sera dénoncé à l'officier de police judiciaire, et poursuivi conformément aux lois.

8. Les départs et retours des messageries et voitures publiques de terre et d'eau ne pouvant être réglés que sur la décade, il est enjoint aux administrations municipales d'interdire toutes celles dont les départs ou retours seraient encore fixés à des jours de l'ancien calendrier. Sont à cet égard réputées voitures publiques, conformément à l'art. 69 de la loi du 9 vend. dernier, toutes celles qui, soit par terre, soit par eau, partent à jour et heures fixes pour des lieux déterminés.

9. Tous chefs et préposés d'ateliers, chantiers, travaux et établissements existants, faits ou entretenus au compte de la République ou en son nom, sont tenus de régler sur la décade les travaux des ouvriers et les opérations y relatives. Ils ne pourront faire les payements que par décade. Ils ne permettront la suspension des travaux que les décadis et jours de fêtes nationales. Ils pourront néanmoins l'autoriser les quintidis après midi, en faveur des ouvriers qui en feront la demande. Ils congédieront les ouvriers qui prendraient congé les jours de dimanche ou de fête de l'ancien calendrier. Le tout sous peine de révocation, et à péril qu'il ne sera reconnu, comme pièce comptable, aucun état qui présenterait un ordre de travaux et de payements contraire au présent article.

10. Les jours d'ouverture des caisses publiques, bureaux de timbre, d'enregistrement, de domaines nationaux, de secours et autres établissements publics, ne pourront pareillement être réglés que sur le calendrier républicain. Les contrevenants au présent article, nommés, soit par le directoire exécutif, soit par les ministres, soit par les autorités ou agents subordonnés aux ministres, seront révoqués.

11. Les grandes parades dans les places de guerre et villes de garnison, les exercices militaires, les exercices de gardes nationales, ne pourront avoir lieu que les décadis, les quintidis après midi, et les jours de fêtes nationales.

12. Les directeurs de spectacles sont tenus de régler leurs représentations sur le calendrier républicain, et de représenter exactement tous les décadis et jours de fêtes nationales, sans pouvoir les faire les dimanches ou fêtes de l'ancien calendrier, lorsque ces jours ne se rencontrent pas, soit avec un jour ordinaire de spectacle, soit avec un jour de fête nationale, soit avec un décadi. Tout théâtre dans lequel il sera contrevenu au présent article sera fermé.

13. L'article précédent est commun aux bals, feux d'artifice et autres rassemblements ouverts au public.

14. Les contrats et conventions ne pouvant plus, d'après les termes précis de la loi en forme d'instruction du 4 frim. an 2, prendre leurs époques dans des usages qui ne concorderaient pas avec le nouveau calendrier, il est défendu, dans les baux de maisons et de biens ruraux, de désigner les époques d'entrée en jouissance, de sortie et de payement de loyers ou fermages, autrement que par les termes du calendrier républicain. Tout notaire qui contreviendra à cette défense sera dénoncé au ministre de la justice. Il en sera de même de tout notaire qui, dans d'autres actes s'écarterait, en quelque manière que ce soit, du calendrier républicain.

15. Les administrations municipales veilleront à ce que le calendrier républicain soit ponctuellement et uniquement observé dans les affiches de toute espèce et dans les écriteaux annonçant des maisons à louer. Elles feront arracher les affiches et écriteaux dans lesquels il aurait été contrevenu au présent article. En cas de négligence de leur part, elles seront dénoncées au ministre de la police générale.

16. Tout journal et ouvrage périodique dans lequel l'ère ancienne, qui n'existe plus pour les citoyens français, se trouvera désormais accolée à l'ère nouvelle, même avec l'addition des mots vieux style, ainsi qu'il a été indécemment pratiqué jusqu'à ce jour, sera prohibé en vertu de l'art. 35 de la loi du 19 fruct. an 5.

17. Les administrations municipales des cantons ruraux où l'ouverture des moissons, des vendanges et de la fauchaison est fixée, soit l'autorité publique, soit par les cultivateurs assemblés, veilleront à ce que les époques ne soient désignées que dans les termes du calendrier républicain ; les contraventions qu'elles tolèreraient seront dénoncées au ministre de la police générale.

18. Le présent arrêté sera imprimé au bulletin des lois : il sera, de plus, à la diligence des administrations centrales, réimprimé, publié et affiché dans toutes les communes de la République. Les ministres sont chargés de son exécution, chacun en ce qui le concerne.